Première visite ?

Bonjour et bienvenue sur Radio Cinémania, le blog des cinéphiles qui aiment la radio, le blog des auditeurs qui aiment le cinéma... G.A.



26 avril 2011

Corps à coeur, le goût retrouvé

Je me souviens... Je me souviens du corps de statue et du timbre profond de Nicolas SILBERG. Je me souviens de la voix frémissante d'Hélène SURGERE. Je me souviens d'un garagiste mélomane et d'une pharmacienne élégante. Je me souviens d'un mélo assumé et d'une dédicace à Jean GREMILLON. Je me souviens encore de beaucoup de choses venues de Corps à coeur de Paul VECCHIALI (1978).



J'avais vu ce film dans les premières années 80, lorsque le service public télévisuel (il n'en existait alors pas d'autre) s'honorait de diffuser du cinéma d'auteur. L'étrangleur, Femmes femmes, j'ai alors découvert Vecchiali sans du tout savoir qui il était. Et j'en ai conservé un souvenir ébloui. Quand est sorti il y a quelques années A vot'bon coeur, la satire de la mécanique avance sur recettes cinématographiques, je n'ai pas retrouvé la magie d'alors, malgré certains bons moments et la fantaisie. Une très belle édition DVD permet désormais de profiter de Corps à coeur, associé à En haut des marches (pour voir Danielle DARRIEUX qui y chante aussi, et une scène avec Micheline PRESLE, d'une beauté époustouflante) et Rosa la rose, fille publique.


Comme dans mon souvenir, Corps à coeur est l'histoire d'un amour fou, celle d'un homme qui a l'air de se tromper mais se fortifie de la désapprobation générale. On peut renâcler devant les saynètes teintées de réalisme poétique dans la "ruelle", petit théâtre renoirien ou décor poussiéreux hanté par le spectre de René CLAIR. On peut juger inutile l'échappée maritime vers une liaison ordinaire. Peu importent les critiques, c'est la langue de la passion que parlent ici la douce Hélène SURGERE et Nicolas SILBERG. SILBERG, bel homme fougueux, animal sensible dont la bouche fait surgir des joyaux, ne fut jamais mieux dirigé. Il prend le risque de beaucoup se dénuder sans se ridiculiser, il porte la casquette façon années 30 sans perdre son air de tombeur en coupé sport. Et, surtout, sa grande technique dramatique et sa diction étincelante donnent un relief magnifique aux clichés amoureux. Le lieu-commun de juke-box prend chez Vecchiali l'incomparable et fulgurant éclat du vers de Racine, et dit si bien que la mortelle splendeur érotique n'est guère tolérable dans le monde trivial.


Le toujours riche site critikat.com offre un long entretien avec le réalisateur : http://www.critikat.com/Paul-Vecchiali.html

Matti Pellonpaä, histoire de fantôme finnois

Peu de documents disponibles, finalement, à propos du comédien hors catégories Matti PELLONPAÄ. Les encyclopédies participatives le disent mort du coeur à quarante-quatre ans, en 1995, après avoir débuté sa carrière à onze ans, si les dates publiées sont exactes.

J'ai d'emblée eu un goût marqué pour cet étrange Finlandais au physique banal, à la moustache peut-être viking et aux yeux tombants. Peu importaient sa chevelure toujours un peu graissée et ses tenues improbables qu'on devinait assemblées de bric et de broc. Ce qui attire irrésistiblement chez Pellonpaä, c'est sa singularité et l'économie de moyens avec laquelle il trace chez KAURISMAKI (AKI, bien sûr) un garagiste poétiquement éthylique, un peintre albanais ou le manager des fantastiques LENINGRAD COW BOYS. On pressent évidemment que c'est en grande partie en le regardant vivre, lui qu'on dit artiste de la clochardise, que Kaurimaki écrivit ces rôles imbibés et rock'n'roll auxquels il donna une vie si émouvante...


Rien d'étonnant donc à ce que, dans la superbe Vie de bohème tournée en banlieue parisienne et en français (1992), Pelonpaä ait eu pour partenaire un Jean-Pierre LEAUD épatant : encore un de ces acteurs dont la présence subjugue le personnage qu'il doit incarner.





J'ajoute pour clore ce bref hommage à Matti Pellonpaä que ce qu'il fait dans Tiens ton foulard, Tatiana (1993) tirerait des larmes si l'esprit farceur de Kaurismaki n'amusait pas tant le spectateur. La balade alcoolisée en voiture au cours de laquelle Reino-Pellonpaä raconte son procès pour coups et blessures est aussi drôle que sa décision finale de rester à Tallinn sans rien avoir emporté est bouleversante. Matti Pellonpaä gravit l'escalier d'une maison déglinguée, après avoir promis d'écrire. Voilà longtemps qu'il est mort, mais il a en quelque sorte donné de ses nouvelles : Kaurismaki a depuis accroché et cadré son portrait dans plusieurs de ses films.